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lundi 6 juin 2011

A Paris, les égoutiers meurent 17 ans plus tôt que la moyenne

Exposés aux émanations toxiques pendant des années, ils souffrent de maladies graves encore non reconnues par l'administration.



Exposés aux émanations toxiques pendant des années, ils souffrent de maladies graves encore non reconnues par l'administration.
Problèmes de peau, de respiration et œdèmes oculaires

Des collègues, ils en ont tous vu partir, « à six mois de leur retraite, un an ou deux ans après », se désole Jean-Pierre Marin. A 30 ans, il a déjà connu « les problèmes de peau, de respiration et les œdèmes oculaires ».

Des maladies toutes liées, selon lui, à son métier et à ce qu'il respire dans les égouts. Claude Danglot, ancien médecin du travail auprès des égoutiers, tente, lui, depuis plus de vingt ans de montrer les dangers des émanations des égouts, et plus particulièrement la nocivité du sulfure d'hydrogène (H2S) sur les poumons des égoutiers. (Voir la vidéo)





Produit par les déchets humains et animaux, le sulfure d'hydrogène n'attaque pas que les poumons. On sait qu'il peut, à haute dose, conduire à des accidents cardio-vasculaires, des problèmes du tube digestif, d'où des diarrhées à répétition, selon une enquête conduite en 2004 par le docteur Danglot pour le service médical de Paris.

Lors d'interventions, les égoutiers sont équipés d'un capteur qui les alerte dès que le seuil de tolérance de l'organisme est atteint. Ce seuil est passé de 10 particules par millions (ppm) à 5 ppm. A ce stade, trois à quinze minutes suffisent à faire perdre l'odorat, explique Claude Danglot :

« Cette baisse du seuil ne règle pas tout, ce n'est pas tant la quantité qui importe mais l'accumulation de sulfure d'hydrogène respirée année après année. »

« Difficile pour eux de se retourner contre l'administration »

« On ne sait pas ce qu'on ingurgite tous les jours, sur des mois, sur des années… qui enfin de compte font que notre espérance de vie réduit, à cause de ce gaz », s'indigne René Bellia.

« Cancer, cirrhose… les maladies mortelles ne se déclarent qu'en fin de carrière », constate Jean-Pierre Sanchez, 49 ans, égoutier principal depuis 1994. « Difficile alors pour les malades de se retourner contre l'administration ou de faire passer cela en maladie professionnelle. »

« L'administration ne sait pas trop comment gérer le problème », confie Elie Elkayam, égoutier principal, « elle cherche à se débarrasser du problème en privatisant ».

Le nombre croissant de cancers inquiète le Docteur Danglot. En 2004, il prend l'initiative d'une enquête de mortalité comparative entre les égoutiers de Paris et une population ouvrière témoin d'île de France. Ce qu'il découvre ?

« Plus 97% de cancers de l'œsophage, plus 85% de cancers du foie et plus
59% de cancers de l'oropharynx chez les égoutiers. La mortalité a augmenté de 56% en dix ans. »

« Au même titre que l'amiante, c'est criminel ! »

Des chiffres qui font bondir René Bellia. « Au même titre que l'amiante, c'est criminel ! »

Le facteur de surmortalité le plus important, pour Claude Danglot, c'est la présence, dans les matières fécales des rats, du virus de l'hépatite E, cité dans l'étude du Docteur Rakesh Aggarwal dans la revue spécialisée The Lancet, qui conduit à une lente destruction du foie et donc à un cancer.

« On a réalisé des tests dans toutes les capitales européennes qui ont prouvé sa présence dans les égouts, mais rien n'a encore été fait à Paris. » Denis Penouel, chef du Service technique eau et assainissement de la Mairie de Paris, assure ne pas avoir eu écho de tels tests et n'exclut pas qu'ils soient un jour réalisés dans la capitale.
« Les médecins vont dire que c'est lié à l'alcool ou au tabac »

L'environnement n'est pas seul en cause. Le traitement actuel des bottes et des gants par UV après utilisation, n'est pas efficace selon le médecin retraité, qui préconise « d'autres méthodes de lavement, comme l'utilisation de détergents. »

Quelques égoutiers ont présenté leurs dossiers devant la commission de réforme de Paris, une instance chargée d'examiner la situation et les dossiers des agents fonctionnaires en invalidité ou accident de travail, pour faire reconnaître leur maladie.

Une démarche « inutile » selon René Bellia. « Les médecins du travail sont payés par la ville, bonjour la neutralité ! » Elie Elkayam ajoute :

« Les médecins vont vous dire que la maladie est liée à la consommation d'alcool ou de tabac, le dossier va traîner sur des années. »

Pour la retraite à 45 ans au nom des risques du métier

Les égoutiers malades n'ont pas souhaité répondre à nos questions. Ils préfèrent, « par pudeur », dit Jean-Pierre Sanchez, taire la maladie. « C'est triste. On l'apprend que lorsque l'on nous appelle pour les obsèques. »

Ils ont souvent choisi ce métier un peu par hasard, et aucun ne souhaite voir ses enfants choisir la même profession. Pour eux, « il est trop tard », mais ils veulent se battre pour les autres générations.

René Bellia, Jean-Pierre Sanchez, et les autres, militent « pour la retraite à 45 ans au nom des risques du métier et la diminution de l'espérance de vie ».

Si la requête paraît « folle », ils jurent en choeur qu'elle est justifiée. Mais avant cela, ils aimeraient que la mairie de Paris reconnaisse qu'il y a urgence et investisse dans du matériel pour les protéger.

Source: Rue 89

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